La nouvelle R, un agenda qui dépasse le protestantisme

OPINION
Le monde a besoin d’une nouvelle réforme, qui dépasse l’horizon du protestantisme. En gardant la mémoire des mutations du XVIe, le protestantisme mesure l’échelle des changements à venir.
 
Michel Kocher, directeur de Médias-pro
La tradition protestante a contribué à ce que le monde moderne a généré de plus lumineux, des droits de l’homme à la liberté religieuse, en passant par le développement des sciences, de l’économie libérale et d’une attention aux plus faibles. Mais son bilan a aussi des zones d’ombres. La cité éthique et spirituelle, rêvée par Calvin n’est pas advenue. Le monde est menacé par un capitalisme irresponsable, des tensions religieuses inquiétantes et un individualisme aussi coûteux que fragilisant. Autant dire que si la Réforme fut un changement de paradigme majeur, de nouveaux changements doivent être entrepris, pas moins décisifs que ne le fut le passage du Moyen-Age à la Renaissance. Et pour le coup, toutes les familles spirituelles, politiques et sociales sont concernées. La nouvelle réforme a devant elle un agenda qui dépasse le protestantisme. Ce n’est pas étonnant: aucune tradition religieuse, éthique ou politique n’a le monopole des bonnes questions ou des bonnes réponses. Toutes sont placées devant le défi de poser des gestes pour la vie. La vie d’aujourd’hui autant et peut-être plus celle, à venir, de nos enfants. D’où tirer la force et l’inspiration de poser ces nouveaux gestes, simples, vrais, courageux, parfois dérangeants ou seulement nouveaux, qui transforment le monde et les relations? Que ce soit dans l’espace laïc, dans les traditions catholiques ou protestantes, des auteurs invitent leurs lecteurs à se libérer des carcans religieux ou matérialistes pour puiser à la source de l’Evangile. Dans les gestes déconcertants et lumineux d’un Jésus que les Eglises ne peuvent contenir dans leurs rites ou leurs théologies, mais qu’elles doivent suivre, sans calculs ni récupération. Le protestantisme est dépassé par cet agenda. Pourquoi ? Sa source, l’Evangile, est plus vaste et riche que les réponses qu’il peut articuler. Elle le conduit ailleurs, hors de ses sécurités. Il en va de même pour le catholicisme, porté par un pape qui place l’Evangile avant le souci du maintien de l’apparat et de l’appareil d’une chrétienté à l’emprise vacillante. Il ne m’appartient pas de parler au nom des autres religions, de l’islam au bouddhisme, en passant par le judaïsme. Toutefois, sans grand risque de me tromper, je peux imaginer que l’agenda de la nouvelle R les concerne autant qu’il les dépasse; leurs sources étant aussi plus riches que leurs potentielles réponses. Avec la Réforme dans son ADN, le protestantisme auquel j’appartiens est averti. Il doit s’attendre à des changements dont l’échelle est à la mesure de ce qui s’est passé il y a 500 ans.