«Je veux être enterré comme un chien sans aucune espèce de vos cérémonies». Lorsqu’il meurt en 1910 à Heiden, Henry Dunant rejette l’establishment genevois et toutes appartenances religieuses. «Henry Dunant n’a jamais été un enfant de chœur», précise aujourd’hui Roger Durand, fondateur et président de la Société d’Henry Dunant à Genève. «Depuis 1901, date à laquelle il reçoit le Prix Nobel, il se radicalise et perçoit de plus en plus les nombreuses persécutions comme des éléments constitutifs de son état de prophète. Mais une chose est certaine, son parcours est marqué par le protestantisme. Il est même formé au sein de la Société évangélique genevoise à laquelle appartenaient sa mère et sa tante.»
Henri Dunant est un fils du Réveil des années 1850. Après une expérience forte vécue dans les Alpes avec quelques amis, il crée un groupe de réflexion spirituelle qui essaime dans plusieurs villes européennes. Il fonde l’Union chrétienne des jeunes gens de Genève. Il en est un fervent représentant et signe à Paris en 1855 l’adoption de la Charte et l’organisation générale des Unions chrétiennes, connues aujourd’hui sous le nom de YMCA.
Doué d’un zèle évangélisateur, il sera également marqué par l’esprit des huguenots. Il se rend à la Grotte de Brézines près de Nîmes, où est commis le massacre des protestants en 1686.
Le véritable virage s’opèrera toutefois à Solferino, bataille dont il revient marqué et qui lui inspire Un souvenir de Solferino. La suite est plus connue. Sous l’égide de la Société d’utilité publique, un comité se réunit à Genève en 1863 et jette les fondations de la Croix-Rouge. Aux côtés de Dunant d’autres protestants de la Genève philanthropique: Louis Appia, fervent fidèle de la Société évangélique, ainsi que Gustave Moynier, Guillaume-Henri Dufour et le docteur Théodore Maunoir, étroitement liés à l’Eglise nationale.
L’ex-délégué du CICR Jean-François Berger souligne, de son côté, le terreau fécond et composite sur lequel se construit la plus grande aventure humanitaire de tous les temps: «Aux yeux d’Henry Dunant, le combattant appartient à l’humanité tout entière. Cette conception repose sur des valeurs centrales du protestantisme, à savoir la conscience au monde et la responsabilité morale vis-à-vis de son prochain. Avec son ambition de solidarité universelle, le protestantisme a agi à l’origine de la Croix-Rouge comme un moteur de l’action philanthropique et sociale, assortie d’un certain pragmatisme».